"A vous qui, chaque fois que vous n'et's pas en r'tard, Achetez ces bouquins vendus sur les quais d' gare, Sachez que vot' fidelite aux yeux fermes Qui vous fait toujours choisir le mem' romancier, Cett' fidelite vous trahit d'un' main allegre Car cet auteur n'ecrit pas, cet auteur a un negre. C'est un geant habile, oui, mais aux pieds d'argile. Dans l'ombre pour lui un type a du style. C'est moi, l'homme de derriere, l'inconnu volontaire Qui s' contente d'avoir la rancon sans la gloire. C'est moi, l'homme de derriere qui roule a l'ordinaire. Mais moi, j' m'en fous, je n'aim' pas la parade, Je prefer' les coulisses aux lampions des facades. Une star du moment, feminine absolue, Fait la une des kiosques avec ses pein's de cul. Le pays tout entier s'emeut de son malheur En r'comptant les amants qui l'ont laissee en pleurs. Mais derrier' la vitrine du defile des males, Au-dela des oignons aux vertus lacrymales, Se planqu' sous l'edredon un discret etalon Qui console la belle avec aplomb. C'est moi, l'homme de derriere, l'inconnu volontaire Chez qui sonne la douce sans medias a ses trousses. C'est moi, l'homme de derriere, le repos d'la guerriere. Loin des bruits d'alcove et autres galejades, Je prefer' les coulisses aux lampions des facades. Brav's gens qui me croisez sans trop me remarquer, Je tiens a vous prev'nir de ne pas vous y fier. Je suis en apparence parfaitement bonasse De ma coupe de ch'veux au cuir de mes godasses Mais j'ai un poing leve cache dans ma doublure, Un poing a envoyer au tapis les parjures. Au fond de moi se recueille et tient le monde a l'œil Un Zorro virtuel dans son fauteuil. C'est moi, l'homme de derriere, l'inconnu volontaire, Pret a porter secours mais qui attend son tour. C'est moi, l'homme de derriere, justicier solidaire. Foin des vantardises et des rodomontades, Je prefer' les coulisses aux lampions des facades."